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Le durable dans la peau

Depuis 2013, l’association Imprim’Luxe, présidé par Pierre Ballet, défend une certaine idée de d’excellence de l’industrie graphique de luxe française, pour cela, elle référence, via un label, des professionnels triés sur le volet, une cinquantaine à ce jour et une vingtaine de partenaires. Engagé et prospectif, Imprim’Luxe réfléchit aux enjeux de l’imprimé dans un monde qui se digitalise et impose d’entrer dans la réalité écologique à marche forcée. 

 

Lors d’un dîner-débat organisé par Alain Caradeuc, coprésident de l’association, j’ai été sollicité pour interviewer Guillaume de Seynes, directeur général du Pôle Amont et Participations d’Hermès et président du Comité Colbert, invité à partager sa vision du luxe. Bien qu’ankylosé par une image surannée de vieux club aristocratique, le Comité Colbert avance à pas cadencés par l’histoire du luxe dont l’éternité supposée lui évite de courir après les chimères de l’immédiat qui nous consume. Pour son président, cette institution, qui rassemble 84 maisons anciennes ou récentes, est un pilier du soft power hexagonal dont le rayonnement repose sur des ressources intangibles, un prestige, le degré d'ouverture, l'exemplarité et l'attractivité de marques qui distillent une certaine idée de la France dans le monde entier. Manque peut-être une vraie dimension politique qui lui permettrait de sortir d’un entre-soi un peu dépassé… 

 

En terme de rayonnement, et ce, depuis plus de 180 ans, la maison Hermès a su développer un imaginaire de marque élitiste et populaire, sans jamais se laisser chahuter par les vents tournants de la mode et de la finance. Cette constance est liée au caractère familial de l’entreprise qui, malgré les jeux d’alliance, les nombreuses descendances et les accidents de l’histoire, a gardé une ligne de conduite qui a très peu dévié depuis que Thierry Hermès,maître artisan harnacheur sellier, a ouvert son atelier en 1837 dans le quartier de la Madeleine, rappelle Guillaume de Seynes. Les dirigeants familiaux qui se sont succédés ont ajouté leur pierre à l’édifice, en diversifiant l’offre de produits, tout en se gardant d’apposer le vernis marketing de l’artifice et du clinquant. Cette belle histoire a failli pourtant mal tourner lorsque Emile Hermès, petit-fils de Thierry Hermès, qui prend les rênes de l’entreprise en 1919, décide d’ouvrir un magasin à New York sur la 5èmeAvenue. Un investissement intenable et un flop commercial qui va conduire la maison Hermès à la faillite. Ironie de l’histoire, Hermès sera sauvé par… un imprimeur ! La société Draeger, qui imprime notamment les agendas du maroquinier, va permettre à la maison de poursuivre son incroyable destin. Une anecdote qui ne manque pas de saveur face à une audience toute dédiée aux métiers de l’imprimé…  

 

Si la société Draeger produit encore les agendas Hermès aujourd’hui, Guillaume de Seynes est obligé de reconnaître qu’ils ne sont pas forcément un produit d’avenir. Le digital est passé par là. Et bien que très soucieuse de promouvoir des savoir-faire et des compétences historiques, Hermès traverse les siècles en épousant son temps. La maison a été une des premières à vendre ses produits sur internet en 2002 ; elle revendique la maîtrise de toute la chaîne de valeurs de ses produits pour garantir une qualité « zéro défaut » et une production française ; elle est aussi préoccupée par les enjeux sociétaux qui touchent à la responsabilité sociale et environnementale. La notion de développement durable, dans l’air du temps, est inscrite dans ses gênes : un produit Hermès est indémodable, un produit Hermès est réparable, un produit Hermès ne se jette pas, il se transmet, un produit Hermès a le durable dans la peau. Une philosophie très actuelle, au moment où le gouvernement lance sa campagne « nos objets ont plein d’avenir » pour inciter à réparer, entretenir et donner une nouvelle vie aux objets. Avec la sérénité des dirigeants d’entreprises centenaires, Guillaume de Seynes croit en l’équilibre des forces et à la pérennité du beau, ce qui suppose d’être agile et créatif, en évitant d’être prisonnier des diktats de l’actualité impérative. 

 

Photo © Imprim’Luxe

Pierre Ballet, Guillaume de Seynes, Alain Caradeuc

Pierre Ballet, Guillaume de Seynes, Alain Caradeuc

Dominique Cuvillier, Guillaume de Seynes

Dominique Cuvillier, Guillaume de Seynes

Tag(s) : #Evénement
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