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L’horreur du politiquement correct

L’horreur du politiquement correct

 

En cette approche de la Saint-Sylvestre pleuvent les bilans des événements qui ont marqué l’année, une litanie d’images et de mots qui nous tendent les zygomatiques, nous tirent des larmes, nous escagassent les oreilles ou nous hérissent le poil. Parmi ce gloubi-boulga indigeste de bonnes et mauvaises histoires d’un monde qui fuit de toute part, je ne retiens pas les longs convois funéraires de nos chers disparus par respect des familles endeuillées, je m’arrête sur la police des mœurs qui, ici et là, briment nos libertés les plus élémentaires et les plus vitales dont celle de juger ce qui est bon ou mal, beau ou laid, supportable ou insupportable…

 

En novembre dernier, la ville de Vienne a entamé la promotion de la rétrospective des cent ans de la mort d’Egon Schiele avec à la clé une grande exposition en 2018. Artiste majeur, Egon Schiele, nourrit de la dépression de son époque, a peint une œuvre qui étire le fond d’œil jusqu’au supplice avec des autoportraits impudiques, des grands corps anguleux poignants de détresse, des vulves torturées, des verges asséchées, des nudités abandonnées dans une indécence contenue de psychanalysé enkysté dans son mal être…

 

Pour annoncer cette importante rétrospective, l’office de tourisme de la ville de Vienne a lancé une campagne de publicité avec des affiches qui reprennent des tableaux des nus de l’artiste. Rien que de très banal. Pourtant les édiles de nombreuses villes européennes (Londres, Cologne, Hambourg…) ont jugé cette banalité de corps nus choquante, exigeant le retrait des affiches. L’office de tourisme de la ville de Vienne, surpris mais cornaqué par une bonne agence de publicité, a donc revu sa copie en flanquant un large bandeau blanc sur le supposé délit visuel, avec une accroche virtuose — « Sorry, 100 years old but still too daring today » —, soulignée d’un hashtag guerrier — « #ToArtistFreedom » —.

 

Cette insupportable censure des compassés moisis s’infiltre hélas comme une tumeur rampante distillée par des petits procureurs de la morale, des associations des bonnes mœurs, des fascistes de la liberté d’expression qui nous interdisent de fumer, de vapoter, de boire lourd, de manger gras, de boucaner du chanvre, de ne pas trier ses poubelles, de rouler en diesel, de rire de la religion ou du handicap, de moquer les blondes, les gays, les mal peignés ou les têtes grises, de parler cul à l’approche d’une école, de tapoter l’épaule d’un ami au risque de passer pour un pervers sexuel… Les politicrates qui nous gouvernent si peu burnés, sortent alors l’artillerie lourde au moindre froissement et pondent des lois liberticides par crainte de perdre leur petit trône sur lequel ils étouffent les pets des banquets républicains dont ils se repaissent sans vergogne. Et je ne parle pas des comiques faussement subversifs et des animateurs dorloteurs d’audimat qui encombrent les médias avec leur humour affadi par la peur de ne pas plaire au plus grand nombre.

 

« La gravité est le bonheur des imbéciles » a écrit Montesquieu. En effet, les imbéciles, qui sont légion, n’ont pas d’autre choix que de se prendre au sérieux pour travestir leur insipide existence de constipé sans laxatif. Je m’inquiète de cette pseudo bienveillance qui confine au conformisme le plus sectaire, d’autant que les jeunes générations ont l’air de s’accommoder de toutes ces funestes censures ; plus ventriloques que libertaires, ils adoptent les codes du politiquement correct et endossent les habits de la vertu avec une passivité mortifère.

 

Au seuil de l’année nouvelle, je conchie plus que jamais ce rétrécissement de la pensée et de la liberté d’expression et en appel à la dérision salutaire et à la franche rigolade avant d’être interdit d’antenne. Et pour défendre les artistes, hashtaguez #Cecin’estpasunebite…

 

© Office de tourisme de Vienne

Tag(s) : #Idées
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