Le secteur de la mode subit l’humeur des consommateurs, une météo toujours plus chaotique, une économie flageolante et des tensions géopolitiques menaçantes. Évidemment, il est loin d’être homogène, si le haut de gamme tire plutôt bien son épingle du jeu malgré des ralentissements palpables, le mass market cherche la martingale pour conquérir des clients ou pour le moins ne pas trop en perdre. Les marques et les enseignes, souvent d’anciennes gloires du siècle dernier, prennent un coup de vieux fatal, ne sachant plus à quel chaman se vouer pour retrouver la lumière qui s’éteint dans leurs yeux. La crise de l’habillement entraîne une hécatombe en magasins, et gagne par contagion les grands sites d’e-commerce type Zalando, Asos et consorts qui reculent, après des croissances à deux chiffres sur les dernières années, un phénomène qui s’était accéléré après les confinements. Plusieurs éléments expliquent cette situation qui va s’aggraver dans les mois à venir.
Premier élément, la mode est un marché de suroffre de plus en plus illisible et disons-le banal sur le plan stylistique, des articles sans mérite proposés à des prix tout aussi illisibles où les promotions à rallonges brouillent leur valeur faciale. Une incohérence qui pousse les consommateurs à se tourner vers la fast fashion dont le rapport qualité/style/prix n’est pas un leurre : qualité moyenne assumée, style potable assuré, prix bas revendiqué, très bas même pour des nouveaux entrants comme Shein ou Temu, des Chinois aux dents longues qui déchirent tout au passage.
Deuxième élément et dans un même élan pécuniaire, le marché de la mode de seconde main qui enfle, qui enfle. Il a grossi de 28% en 2022, selon une étude mondiale ThredUP/ GlobalData indiquant qu’il devrait doubler d'ici 2027 pour atteindre 350 milliards de dollars. Ce qui laisse prévoir qu’entre 10 et 15% du marché mondial de l’habillement sera vampirisé par les ventes d’occasion.
Troisième élément, le « quiet style », le style silencieux qui prône les achats raisonnés avec des produits de qualité, permanents et intemporels, dépouillés du superflu pour aller à l’essentiel d’un vêtement qui habille, pas qui déguise. À cet égard, la marque mondiale mass market Uniqlo est le Parangon de cette mode basique, non périssable, sans excès aucun, jusqu’à l’ennui parfois. Mais Uniqlo est la marque psychanalytique idéale pour un sevrage nécessaire destiné aux intoxiqués de la mode superfétatoire. La mode a besoin de retrouver une forme de vertu où le triptyque qualité/style/prix redéfinit un nouvel équilibre que les Japonais nomment « monozukuri » : l’excellence manufacturière. Une façon de rappeler à certains créateurs que leurs gestes stylistiques ne changent pas la face du monde, mais revêtent les fesses d’une séduction nécessaire, sans trop en faire et au meilleur prix.
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Photo : DC/AI-Bing