Dans une économie mouvante et pressée par l’immédiateté, les consultants en stratégie marketing prônent souvent des théories rupturistes, invitant les entreprises à penser « out of the box » pour innover et se projeter dans le vide du futur. Jusqu’à parfois redéfinir sa catégorie, voire tout simplement à changer de catégorie en réinventant de fond en comble son business modèle. Ou au contraire, puisent dans ses propres ressources pour demeurer dans la course.
La société Bic, qui a vendu plus de 140 milliards de stylos depuis sa création en 1950 dont le célèbre et intemporel Bic Cristal, a créé le stylo à 4 couleurs 20 ans plus tard, un objet simple et pratique qui permet de « changer d’encre de couleur sans changer de stylo, vendu 3 francs seulement », selon le slogan de l’époque. Ce best-seller, qui est décliné dans une famille de produits en édition limitée ou pas, continue son expansion avec l’ajout d’une mine HB en lieu et place de la bille verte. Tout cela sans changer le look de ce stylo mythique avec son corps en plastique, tout juste profite-t-il d’une gomme encastrée à la place de la petite boule blanche.
A l’ère du numérique, la société Bic, présente dans 160 pays, s’est bien gardée de créer un objet avec une clé USB intégrée ou autre gadget digital, elle a simplement menée une stratégie d’induction : « réflexion par laquelle on passe d'observations données à une proposition qui en rend compte ». La prise de note sur papier ne va pas disparaître à moyen terme, mais des usagers recherchent davantage de praticité et de rationalité pour écrire, corriger, dessiner. Un stylo à trois couleurs + une mine graphite est un objet efficace qui préserve le territoire d’origine de la marque. Jusqu’à quand ?
Bic fabrique et vend des briquets jetables — mais les fumeurs sont pourchassés par les instances de santé dans le monde entier —, des rasoirs jetables — mais la vague des barbus fait chuter la vente de rasoirs à main et de lames — ; et elle a même fait une tentative dans les téléphones mobiles d’appoint qui n’ont pas convaincu. Et pour cause, Bic est « sortie de sa boîte » en proposant un produit qui n’était pas jetable et technologique, à l’opposé de sa culture d’entreprise qui consiste à créer des produits simples et inductifs. Comme quoi sortir du cadre n’est pas toujours productif, pour autant Bic doit impérativement se « réinventer » si elle veut exister dans les cinquante prochaines années où l’obsolescence sera hors norme…
Photo : © Bic