Dans un registre différent de Milan, avec bien sûr des croisements naturels, la fashion week parisienne a mis en marche la mode de l’hiver 23-24 avec de nombreuses collections exaltées qui empilent les styles et compilent les allures comme pour témoigner de l’absence de sens d’une société qui tourne à vide. Un vide d’air pollué par une actualité toujours à fleur de nerfs, surtout à Paris où les geignards bloquent la circulation des vivants avec leur accablante neurasthénie.
« Je ressens de l’amertume à créer une collection pendant une guerre, un désir de contribuer et de donner le meilleur de nous-mêmes malgré un sentiment de tristesse, dans une industrie qui doit rester vaillante, avec l’impression frustrante que rien n’est suffisant », confiait Rick Owens, le messie du chaos vestimentaire, à Fashionnetwork. Sa collection héroïque et possédée ramasse des images toujours dérangeantes et des références écartelées entre la norme et la bizarrerie, qu’il dompte pourtant en dessinant une esthétique dominante dans la plupart des collections : des volumes superlatifs, des proportions dramatisées, une silhouette disparaissant dans des vêtements envahissants qui l’avalent comme une plante carnivore. Avec en point d’orgue, des kyrielles de looks puisés dans l’esthétique des rappeurs qui se complaisent dans la disharmonie tapageuse pour exhiber leur égo pendant les Grammy Awards et sur les réseaux sociaux, ultime média du monde comme de la mode où chacun se croit obligé de faire le pitre en selfie pour régner.
Givenchy étant le défilé le plus représentatif de la compil’ actuelle des fringues et des déglingues qui recherchent l’argent facile des nouvelles fortunes de l’influence reality. On ne peut les éreinter, les maisons de luxe et de mode sont des commerçants qui doivent faire tourner leurs boutiques. D’ailleurs, l’élément signifiant du tiroir-caisse étant le systématisme de l’accessoire où les mannequins portent des sacs à main et des lunettes, trophées vaches à lait aux marges crémeuses. Si des créateurs ont joué la carte de la pondération portable (Dior, Christophe Lemaire, Ami, Saint Laurent, LGN…), ils plongent leurs hommes dans une féminité liquide signalée par le coulant efféminé des étoffes, sans doute une façon de rappeler que le gender fluid transcende les dressings. Car les hommes à la mode sont aussi des femmes qui s’ignorent. Ou pas.
Photo : © Saint Laurent
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