Les 15ème rencontres d’Aix-en-Provence (toujours passionnantes pour l’esprit) qui ont eu lieu ce week-end étaient axées sur le thème du « travail » et d’un monde happé par les nouvelles technologies. Les échanges et les réflexions ont montré la profondeur du sujet et le désarroi des économistes, des industriels, des politiques face à la déferlante digitale. Une vague « ubérisante » qui sape les fondations des entreprises de la vieille économie empêtrée dans leurs contraintes, leurs règles, leurs cohortes de travailleurs « soumis », leurs modes de management du siècle dernier. Aujourd’hui, les multinationales numériques sont légères, agiles, insolentes et pénètrent les modes de vie des humains à la vitesse du haut débit. Avec un point clé, elles deviennent puissantes avec le minimum de collaborateurs puisqu’elles savent transformer leurs clients en prestataires de services. C’est l’apogée du consomm’acteur, cocréateur, coproducteur, prescripteur, expert… qui agit et interagit avec le monde de l’entreprise, à la fois pour gagner du temps, de l’agilité et pour gagner en indépendance. Conséquence, des millions d’emplois de services « serviles » c’est-à-dire sans valeur ajoutée deviennent inutiles.
« C'est la question de la centralité de la classe moyenne dans nos sociétés qui est posée », déclarait l'économiste Jean Pisani-Ferry aux Rencontres d’Aix-en Provence (in Les Echos du 6 juillet). « Chaque mois, 50.000 chauffeurs rejoignent Uber dans le monde, a-t-il ajouté, ça montre à quel point une entreprise peut bouleverser le marché du travail dans son domaine. » Un bouleversement qui affole des Etats (comme la France entre autres) incapables d‘apporter des réponses sociales adaptées, et des entreprises traditionnelles qui voient leurs parts de marchés disparaître, impuissantes face à une révolution totale. « Il ne sert à rien de résister à l'évolution technologique, il faut moins se préoccuper du travail et plus des travailleurs », estimait Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan. Ce qui veut dire transformer notre système d’éducation complètement obsolète, remettre la formation au cœur de ce système en incitant chacun à être un apprenant perpétuel capable de s ‘adapter aux changements, de devenir un travailleur indépendant. Tout le contraire de la doctrine française qui cloître le chômeur dans sa posture d’allocataire passif et assisté.
En attendant, ces derniers jours, un signal faible montre que les entreprises de la vieille économie entendent caler leurs structures sur l’heure digitale. Le groupe hôtelier Accor veut démontrer qu’il souhaite accélérer son développement sur internet (pour contrer des sites comme Booking.com notamment) et donc change de nom pour devenir AccorHôtels.com ; idem pour Auchan de la galaxie Mulliez dont les hypermarchés s’appellent désormais Auchan.fr, une façon de signaler à ses clients que l’enseigne est cross-canal, digitale et physique, dans l’air du temps numérique. Un petit pas, mais loin d’être suffisant pour résoudre les défis d’une économie qui s’évapore…
Image : D.R.