En mars dernier, sur la plateforme de revente StockX, des Nike Air Mag Back to the Future de 2016, initialement portée par Marty McFly dans le deuxième volet de « Retour vers le futur » en 1989, sont devenues les baskets les plus chères du monde : 22.882 euros. Dans le Top 10 StockX présenté à la même périodedes baskets les plus onéreuses sur le marché de la revente, Nike avec Air Jordan occupent neuf places contre seulement une pour Adidas avec le modèle Human Race NMD Pharrel x Chanel de 2017 qui n’a atteint « que » la somme de 7.246 euros. Des montants qui font écho à l’attrait de certains produits de luxe vintage vendus à des prix élevés lors de ventes aux enchères. Certains de ces objets emblématiques atteignent des sommes record à l’instar d’une œuvre d’art convoité pour les collectionneurs.
Depuis quelques années, les frottements chaloupés entre les grands équipementiers du sport et les grandes marques de luxe ont donné naissance à des collections capsules en séries limitées qui font chavirer le désir des sneakerheads et des fashion devoted. Les frontières poreuses entre des univers à priori antinomiques stimulent la créativité des stylistes et des marketeurs, elles alimentent le métissage esthétique qui signe notre époque.
Indéboulonnable N°1 des équipements sportifs, Nike suit un chemin à petites foulées vers la « luxification » —pour reprendre la formule de Stéphane Galienni de Balistikart—, en marche. La marque au smoosh, dont l’expertise en terme de design et de marketing n’est plus à démontrer, parvient, après le sport et la mode, à ouvrir un nouveau front dans le luxe. Elle touche au cœur du secteur avec Dior, marque mythique du luxe français, qui s’associe avec le label le plus légendaire de la coolitude américaine : Air Jordan. Des épousailles qui ne sont pas sans rappeler le concubinage durable entre Apple et Hermès avec l’Apple Watch…
A l’avant-poste d’un marché du luxe qui évolue, Nike ne perd pas de vue qu’elle est une marque de sport « pure et dure » qui investit beaucoup en R&D pour équiper les athlètes. Ses récentes baskets AlphaFly, extension optimisée des Vaporfly Next%, font pleuvoir des records chez les coureurs, jusqu’à interroger la World Athletics (ex Fédération internationale d’athlétisme) qui parle de « dopage technologique » : elles sont équipées de trois lames de carbone et de capsules en mousse qui améliorent la légèreté, l’amorti et… le chrono !
Cette ancrage dans la compétition est vitale pour Nike, comme l’est la haute couture pour Dior ou la sellerie pour Hermès, elle est la garantie d’un savoir-faire identitaire qui lui donne sa légitimité à être encore le N°1 mondial, et peut-être demain une des valeurs sûres du luxe étendu qui pourrait avoir pour motto : « Retour vers le futur ».
Article paru dans Le Club des Chroniqueurs du Journal du Luxe
Photos : © Louis Vuitton, Nike