La Suède a été le premier pays à se convertir à la dématérialisation monétaire. Le Danemark, la Norvège, Israël… y songent, la France et d’autres pays s’y préparent : faire disparaître l’agent liquide réduit le coût des transactions (entre 0,5% et 1,5% de PIB par pays pour battre monnaie, la distribuer et la protéger), anéantit le marché noir, étrangle le business des mafias, soumet les voleurs à la diète et permet aux Etats de suivre à la trace les rentrées et les dépenses des citoyens. En 2020, une grande partie des transactions se feront via des cartes NFC (c’est à dire sans contact) et des smartphones ; en 2030, le cash aura disparu de la planète ou quasiment. Idem pour le chèque bancaire, moyen de paiement antédiluvien qui va finir aux oubliettes. Les grognons anti-techno et les craintifs de la cybercriminalité n’ont pas fini de geindre, et plus encore lorsque leur agence bancaire aura été remplacée par un bar à soupes ou un distributeur automatique de produits de premières nécessités.
L’enjeu de la dématérialisation monétaire touche les banques traditionnelles et leurs réseaux pléthoriques d’agences (particulièrement en France) chahutées par des nouveaux acteurs, souvent non bancaires qui sont en relation avec des centaines de millions de clients et qui demain pourront se substituer à elles. Avec l’argent liquide, les banques physiques sont encore un espace transactionnel et un coffre-fort, sans lui, elles ne sont plus qu’un lieu de gestion des comptes et de services bancaires qui peuvent être assurer par d’autres qui ne s’en privent pas.
Les pure players de la banque en ligne s’activent et gagnent du terrain, sans parler d’acteurs puissants qui ont des relations parfais quotidiennes avec des centaines de millions de clients dans le monde : Google, Amazon, Apple, Facebook, Microsoft, PayPal et consorts ont des velléités d’offrir des services bancaires compétitifs et attrayants qui devraient séduire la screen generation, les enfants du mobile boom qui sont nés et grandissent avec la dématérialisation de l’économie.
A cela s’ajoute l’entrée en lice de « petits nouveaux », les agrégateurs, des applications FinTech (comprenez des entreprises qui opèrent dans les technologies financières) qui ouvrent la voie à une façon plus rationnelle et ergonomique de gérer son argent… virtuel ! Dans de nombreux pays, ces start-up — Tink, Money Dashboard, Bankin, Linxo, Fiduceo, Iswigo, Mooverang…— proposent d’agréger d’une manière très simple sur un smartphone tous les comptes bancaires d’un individu en un même espace, de fournir l’historique de toutes les transactions, de gérer les factures et les découverts bancaires, de recommander des investissements et de l’épargne, et demain de proposer des crédits, bref de faire le boulot du banquier qui souvent ne fait pas le quart de la moitié de son job, se contentant souvent de ponctionner des frais bancaires exorbitants !
Pour Thierry Mennesson, Partner digital chez Oliver Wymanpartner Digital, il existe « une réelle opportunité pour ces acteurs de se placer entre les banques et leurs clients pour capter la relation bancaire au quotidien et de se positionner comme un conseiller financier digital capable d'optimiser la gestion des produits financiers » (in Les Echos du 3 février 2016). Les banques traditionnelles vont devoir (certains s’y attèlent déjà) repenser leur modèle et surtout leur mode de relation plus axé sur l’écoute ou le service ; sinon, elles risquent de n’être même plus qu’un vague intermédiaire facilitateur, ou pire un intervenant inutile. Thierry Menneson croit pourtant à un renouveau des banques traditionnelles car elles « ont pour elles la confiance de leur client, même si elles n’en ont pas le monopole ». Voire.
Selon une étude mondiale Ernst & Young portant sur 43 pays, à peine 44% des personnes interrogées déclarent avoir « complètement confiance » dans leur banque, et seulement 32% des Européens ; et ils sont tout juste 40% à vouloir recommander leur banque, contre 29% en Europe. La défiance étant plus grande encore en France, où 65% des personnes interrogées par Ipsos France en 2014, déclarent ne pas avoir confiance dans les institutions bancaires… Ce n’est pas un hasard si la génération du « mobile boom » pousse encore plus loin la dématérialisation financière avec des banques 100% mobile (sans agrégateurs ni guichets physiques) qui bourgeonnent dans toute l’Europe et ringardisent déjà les banques en ligne !
Alior Sync, Atom Bank, Hello Bank ! (BNP Paribas), ImaginBank (Caixa), Mondo, Number26, Orange Banque, Soon (Axa Banque), Starling Bank, Tandem, etc. visent les mobinautes fixés sur l’écran tactile de leur smartphone. Ce sont des individus instantanés qui n’aiment guère les intermédiaires qui parasitent leur existence, et dans le même temps, ils apprécient particulièrement l’ergonomie interactive de ces banques dématérialisées disponibles 24/24 heures et 7/7 jours, accessibles où que l’on soit.
Ces clients de la mobilité bancaire seront les adeptes de la disparition de cash et utiliseront une application qui permet d’effectuer des paiements pour tout, tout de suite et tout le temps, et de transférer de l’argent entre particuliers via un smartphone, accélérant la mort du cash. Le montant total des pièces et billets de banques en circulation est d’environ 5 milliards de milliards en équivalent dollars ; avec les comptes de dépôts, la valeur totale de l’argent accessible dans le monde est de 28,6 milliards de milliards en équivalent dollars, selon le Factbook de la CIA. Mais l’argent « non physique » investi qui circulent sur les marchés financiers représente environ 1,2 million de milliards de milliards en équivalent dollars ! Preuve que l’argent est déjà largement dématérialisé et nos économies financiarisées et virtualisées à l’extrême.
Image : la vieille économie et la future cohabitent encore, jusqu'à quand ? © D.R.