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Un luxe multiplex

Les maisons de luxe revendiquent les mêmes valeurs tangibles et imaginaires, bien qu’elles défendent des stratégies de style variables dans la quête « de l’infini dans le fini » pour citer Beaudelaire. À l’image des trois grandes marques françaises à l’aura planétaire qui ont récemment fait état de ventes stratosphériques : LOUIS VUITTON, CHANEL et HERMÈS. Un malletier, une modiste et un sellier qui ont grandi en pratiquant des extensions de produits permettant d’élargir considérablement leur base de clients. Les artisans ont mué en industriels en préservant l’illusion de la rareté et de l’exclusivité. Et chacun à sa façon réinvente les images d’un luxe authentique, bouscule son patrimoine, courtise les élites et parle à la masse, cultive l’exception et s’accomplit dans la diffusion. Jamais figées, toujours vivantes, ces marques circulent dans l’histoire du monde et occupent le terrain de l’attraction consommatoire et du désir marchand. Des marques carillonnantes aux sonorités diverses qui partagent le même canal du luxe universalisé, mais n’envoient pas les mêmes signaux.

LOUIS VUITTON est la marque qui a le mieux réussi à préserver son héritage monographique en le triturant dans tous les sens comme une nécessité flagrante et impérieuse de ne pas être une institution mortifère. Assumant le côté obscur et frivole de la mode, elle se complait dans la fureur tempérée, elle ose l’intégrité à géométrie variable, elle se convertit à tous les tics des tendances jusqu’à les préempter et/ou les initier. LOUIS VUITTON n’a plus de spatialité, elle flotte en apesanteur hors du temps et dans son époque, grâce à des directeurs artistiques qui oublient la peur d’affronter une maison historique, vache à lait d’un groupe écrasant.

Karl Lagerfeld a su donner de la profondeur de champ à CHANEL, sans l’étouffer dans l’égo de sa propre monomanie esthétique, à l’opposé de stylistes talentueux, mais envahissants qui prennent un contrôle identitaire parfois aliénant pour les marques sous emprise. Les frères Wertheimer, discrets héritiers de CHANEL, se sont gardés de tout empressement après la sidération et la disparition de Karl Lagerfeld. Conscients de l’instabilité de la mode et de la solidité des fondations de leur maison, ils ont confié le style à celle qui était « la main droite de Lagerfeld » dans le studio de la rue Cambon : Virginie Viard. Une créative réservée et habile à prendre la lumière en demeurant dans le contre-jour d’une marque à l’esthétique constante qui ne se force pas à faire la mode, quand le style suffit à reformuler un éphémère intemporel.

Bercée par une éternité presque cosmique, sans ressasser un passé qui désoblige la modernité, HERMÈS cherche à créer une beauté durable. Toujours sellier et invariablement maroquinier, HERMÈS ne s’intéresse pas à la mode, mais construit un vestiaire au style indéfinissable, sinon inspiré pour des hommes et des femmes séduits par le souffle des matières, la sensualité des lignes qui claquent juste sans taper dans l’œil. Dans l’univers du luxe, HERMÈS est une île, un paradis, un silence, un jardin des désirs qui ne se préoccupe pas de la hauteur des cimes des arbres, mais de la profondeur des racines.

Saint Exupéry a écrit : « Créer le navire, ce n’est point hisser les voiles, forger les clous, lire les astres, mais bien donner le goût de la mer. » Ces marques parviennent à donner le goût du luxe contemporain, un luxe multiplex qui ne cesse d’étonner et d’avancer sans (trop) craindre la fureur du monde.

 

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Tag(s) : #Marques, #Idées, #Objets, #Stratégies, #tendances
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