« Parmi les multiples territoires de la création contemporaine, se dessine cette appétence toujours plus affirmée pour des expressions esthétiques rattachées à la vaste catégorie du ‘luxe’ qui ici, mute vers le ‘précieux’ », explique Elisabeth Leriche en charge du forum de tendances du salon Maison & Objet. Le thème « Precious » de cette édition (à découvrir aussi dans le cahier Inspirations n°27) résonne étrangement dans notre monde qui chavire. Entre poésie et clinquant, beauté et fragilité, le « précieux » annoncé ici dévoile une débauche d’or frontal ou en filigrane, valeur refuge de ce luxe qui s’exhibe.
Or, le luxe vacille. D’un rien, mais il vacille, chahuté par une nouvelle thrombose financière, des matières premières qui dégringolent, des bourses qui s’affaissent, une panique qui s’empare de cette sphère économique si peu ancrée dans la réalité, sinon celle de ses intérêts volatiles. La tempête qui gronde vient de Chine, l’eldorado totalitaire dont chacun pensait qu’il était la nouvelle corne d’abondance avec des millions de consommateurs rêvant de croquer la pomme d’une société de la prolifération matérielle, de l’obsolescence organisée, du luxe logotypé. Le monde découvre que cette Chine égoïste ne peut être le relais d’économies occidentales à bout de souffle, que la croissance miraculeuse depuis des années n’était peut-être qu’un mensonge politique, que les investissements colossaux en usines, en immeubles, en infrastructures et en centres commerciaux ont peut-être été surévalués...
Notre fragilité planétaire n’est pas le ressort de drames quotidiens qui jonchent l’histoire de l’humanité, mais d’un manque de confiance dans un avenir qui ne devrait être pavé par l’enfer de la consommation, mais par une remise en cause de notre mode de vie absurde et éphémère qui désormais détruit davantage qu’il ne satisfait notre existence dorée à l’or fantasmé. Stop ou encore ? C’est à cette question en sourdine que devront répondre les chefs d’états à la fin de l’année à Paris pour la grand-messe du climat. Ils devraient s’inspirer du travail de Claire Morgan, qui, sur le forum de M&O, a présenté une œuvre fragile « Down to Earth », une sculpture aérienne réalisée avec des graines de pissenlits : un souffle et tout s’éparpille, s’envole, disparaît…
Images : M&O/DC