« On n saurait faire boire un âne qui n’a pas soif » : cette figure proverbiale se rapporte plus que jamais à notre société de consommation balancée entre le surplus d’offres et le manque de sens, entre l’envie forcée et la retenue distanciée. L’absence d’utopies et de désir d’avenir alimente la tension entre des entreprises condamnées à la croissance et leurs clients confrontés à un amorphe désœuvrement. Il n’y a pas péril en la demeure, la consommation résiste, jusqu'à quand ? Pour alpaguer des clients, il faut en effet multiplier les assauts marketing, les pantomimes commerciales, les promesses d’expériences uniques, exceptionnelles… : la surenchère gesticulante est alors le seul ressort.
Après avoir fêté une décennie de succès —plus de 600.000 véhicules vendus — , la marque automobile low cost Dacia a décidé de remettre le couvert en fêtant ses dix ans et demi ! L’idée est amusante, mais elle témoigne de la difficulté d’un constructeur automobile à prendre la parole sans parler directement d’automobile (ça n’intéresse guère la plupart des gens) en occupant le terrain médiati-commercial dans un monde bruyant et préoccupé par les enjeux climatiques de plus en plus pressants, dont l’automobile est devenue le bouc émissaire anti-écologique.
Dacia est une marque affective et finalement aspirationnelle, ses clients apprécient la culture « low cost fun » et sont mêmes fiers d’en afficher le badge. Les publicités douces et décalées apportent sa part d’humanité au constructeur qui ne manque pas d’aficionados : pour ses dix ans, Dacia a organisé de grandes réunions festives dans quelques villes de France qui ont rassemblé des milliers de clients trop heureux de partager leur passion commune.
Peu de marques et plus encore de marques automobiles peuvent se targuer d’une telle affection et d’une telle distinction. Fêter un demi anniversaire est une pirouette marketing qui paraîtrait dérisoire pour nombre de labels « secs », essoufflés, qui devient ici un clin d’œil empathique loin de l’emphase bavarde de certaines marques qui communiquent dans le vide.
Images : © Dacia 2015