Incorrigible humanité ! Ces derniers jours ont vu fleurir ici et là des articles et des commentaires sur la fin supposée des Google Glass. Après avoir lancé en fanfare les lunettes connectées, la firme de Mountain View semble faire marche arrière trompettent les médias et la webosphère, entonnant le refrain ricanant du « je vous l’avais bien dit, sa mort prématurée était écrite d’avance ».
Faut-il rappeler que ce célèbre objet est encore à l’état d’embryon et que les dirigeants de Google l’avaient seulement mis à disposition d’une communauté de geeks et de développeurs triés sur le volet pour inventer des pratiques moins futiles qu’utiles, pour en imaginer des usages pertinents.
Usages qui doivent dépasser les limites d’un gadget pour ludo-technophiles et passionnés de jouets électroniques, ce qui n’est pas simple. Et c’est tout l’enjeu des objets connectés qui émergent dont nous percevons mal l’utilité, mal la valeur ajoutée, mal les bénéfices. Les lunettes connectés, les montres connectées et autres bracelets connectés ne sont encore que des extensions limitées de la plus grande innovation de notre siècle : le smartphone, cet ordinateur de poche qui est aussi un formidable couteau suisse avec des fonctions démultipliées et extensibles. Avant d’enterrer les Google Glass, laissons les ingénieurs et les défricheurs des cultures de l’imaginaire se creuser les méninges pour tracer des voies d’avenir à ces technologies de la connectivité qui vont transformer notre vie quotidienne et notre perception du monde. Donnons du temps au temps.
Au-delà de la polémique — vaine — sur les Google Glass, il faut aussi réagir à l’attitude défensive des Européens à vouloir réduire la voilure de la firme américaine au prétexte qu’elle serait dominante, totalitaire avec son moteur de recherche, son énergie inventive et ses milliards engrangés. Récemment devant les eurodéputés, le Pape François s’est inquiété de l’état d’une Europe « comprimé, dégageant une impression générale de fatigue et de vieillissement », une « Europe grand-mère et non plus féconde et vivante ». L’indigence de la classe politique européenne frileuse et rencognée dans sa médiocrité, est plus dangereuse que la domination des entreprises américaines ; hostiles au progrès et aux risques, les politicrates étouffent la dynamique créative par des lois, des règles et des barrières contraignantes et mortifères : ils ne font pas avancer l’avenir, ils se réfugient dans le passé.
Cette offensive anti-Google est un marqueur préoccupant et contre-productif. Demain, va-t-on reprocher à Essilor, Luxottica, L’Oréal, LVMH, Audi, BMW, Mercedes, Siemens…, des géants européens, des entreprises « fécondes et vivantes », d’être des leaders mondiaux dans leur domaine respectif ?