Être un couturier, être un créateur de mode sans l’appui d’un financier ou d’un groupe n’est pas chose aisée, davantage dans une période où la frivolité s’efface
dans l’épaisseur du monde.
Même quand le talent est là, il faut savoir trouver l’énergie de présenter une nouvelle collection, une fois encore, une fois de plus, deux fois par an pour garder le cap, être visible aux
regards des journalistes, des acheteurs souvent versatiles.
Eymeric François link est de cette trempe de couturier qui milite sans relâche pour une mode sophistiquée, une mode rêvée, une mode audacieuse. Il a présenté hier sa nouvelle
collection de couture de l’été 2010, une présentation en dehors des circuits balisés, en dehors du calendrier, en dehors de la nébuleuse de la couture et de sa chambre syndicale partisane.
Cette collection a été mise en scène (ici ce mot à du sens) dans le cadre du showroom des pianos Pleyel pour un concert couture intimiste tout en délicatesse et en retenue symbolique, avec juste
ce qu’il faut d’emphase pour tenir en haleine. Une vraie diva —Prisca Demarez— accompagnée au piano par François-Alexandre Zabelski lançait ses vocalises ténues pendant que deux hommes
l’habillaient et la déshabillaient avec la légèreté et la pudeur joyeuses des fées de Cendrillon.
La collection très courte (14 modèles) dévoilait tout le savoir-faire du couturier : corset tatoué, manteau diaphane, négligé vaporeux, peignoir éphémère, robe ensorcelée de dentelles…, une
mode assumée pour des femmes de caractère.
Le final était impressionnant : enveloppée dans une robe-linceul en laiton et satin de soie, la diva était portée « moribonde » par les deux caméristes pour disparaître dans
la coulisse. Un point final qui s’explique par le nom donné à cette collection couture : « Requiem », composition musicale destinée au service liturgique, une prière pour les âmes
des défunts.
Funeste en vérité, prions que ce ne soit pas l’exécution définitive d’une maison chahutée comme tant d’autres par la bourrasque économique. Le secteur de la mode
vit des heures difficiles et plus encore la création ébranlée par l’ordinaire d’un prêt-à-porter qui habille mais ne revêt rien. « À la mode à la mort », clame Eymeric François.
Alléluia…
Photo : D.R.