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Les créateurs de mode apparaissent rarement dans les pages économiques des journaux, sauf quand ils trébuchent. Comme c'est le cas de Yohji Yamamoto mis à mal par la crise avec un endettement conséquent, heureusement rattrapé avant la chute par Integral Corporation, un fonds d'investissement japonais. Donc tout va bien.
En fait, cet incident interroge beaucoup plus loin que la seule problématique économique d'une industrie cyclique donc fragile, elle pose la question de son intérêt, de l'utilité sociale du créateur-laborantin qui cherche à réinventer la geste vestimentaire en gravitant autour du corps, immuable support qui lui n'évolue pas, en apparence.
Hors du temps et visionnaire, Yohji Yamamoto, 71 ans, poursuit sa quête de déconstruction et de reconstruction des vêtements, il déroule et enroule des effets de matières et de volumes, il met à plat les structures existantes pour dresser de nouvelles architectures. Les créateurs de cette trempe sont rares, la majorité d'entre eux étant des faiseurs-suiveurs, des décorateurs-ensembliers qui multiplient les artifices en surface pour cacher une malingre créativité.





La stratégie puriste de Yohji Yamamoto suscite des réflexions sur le rôle de la mode aujourd'hui dans la vie des gens : il est important mais il n'est plus primordial.
La mode du Japonais est très intellectuelle, austère, intemporelle, imposante, élitiste ; peu d'individus ont envie d'afficher un manifeste vestimentaire, ils recherchent une accessibilité qui les mettent en valeur, des vêtements qui renforcent leur pouvoir d'attraction, une mode qui révèle leur séduction dans une lecture facile et compréhensible : on s'habille pour soi dans le regard des autres. Et aujourd'hui, l'enjeu de la séduction passe par une maîtrise physique, par un travail sur le corps qui prend le pas sur le vêtement.
La beauté du corps domine la mode : sport, cosmétiques, chirurgie esthétique, coiffure, tatouage... l'humanité post-moderne entend façonner son physique pour adopter les canons en vigueur, mais aussi et surtout affirmer son identité dans une démonstration physique. Les hommes et les femmes du nouveau siècle veulent se montrer "à cru", dans une forme de nudité intégrale, de strip-tease assumé.
Le corps s'expose, le corps s'exhibe, le vêtement n'est alors plus qu'accessoire.


(Photos : D.R.)       
 
Tag(s) : #People
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