Après avoir déclaré quelques semaines plus tôt dans la presse qu’il ne recherchait pas un nouveau directeur artistique pour Chanel, Bruno Pavlovsky, président de la Mode et des Accessoires de l’emblématique maison, a poussé Virginie Viard vers la sortie. Cette décision lui appartient évidemment, ce qui n’empêche pas de pointer un notable manquement à l’élégance et une malignité à balader la médiasphère. Un jeu de poker menteur courant dans les milieux financiers, assez peu compréhensible pour une entreprise de luxe qui n’est pas coté et n’a donc de compte à rendre qu’à elle-même.
Employée modèle (sans doute trop « modèle » aux yeux de certains), Virginie Viard est entrée chez Chanel en 1987 comme stagiaire jusqu’à devenir l’assistante de Karl Lagerfeld, son ombre ouvrière, son extension opérationnelle pendant vingt ans. Une proximité professionnelle et une fidélité sans faille qui lui vaudra de succéder à son mentor à sa disparition. Dans le monde hors-sol de la mode et du luxe où les saillies des cancaniers ne manquent pas, l’héritière légitime était un non-choix en attendant mieux. Trouver une nouvelle figure providentielle en lieu et place de la statue du Commodore exige une recherche approfondie.
Sourde aux coups bas, Virginie Viard prend de la hauteur, elle affûte ses patronages et ses idées pour révéler des collections Chanel rafraîchies, émaillées des gimmicks de la maison exploités par le facétieux Karl Lagerfeld. Mais VV ne fait pas du KL, elle parvient à s’émanciper sans déroger aux manies identitaires de la maison. Contre toute attente, les ventes suivent pendant ses cinq années à la tête du studio. Depuis son départ supputé, les langues vipérines se délient : la croissance du chiffre d’affaires serait surtout liée à l’augmentation des prix, les Américains mignoteraient les collections Chanel, les millennials regarderaient ailleurs, Virginie Viard manquerait de charisme et de vibration… L’ascendant de Karl Lagerfeld sur l’univers enfiellé de la mode était incontestable, et l’homme réjouissant envoyait des brandilles comme un torero dont il avait adopté la silhouette. Virginie Viard n’est pas lui, elle est une professionnelle investie dans sa tâche, peu à l’aise dans la basse-cour médiatico-mondaine où roucoulent les pigeons complaisants et corrosifs comme leur fiente. Ce petit monde empressé bruit alors : qui va remplacer Virginie Viard ? Hedi Slimane, styliste monocorde et rocker aux petites semelles, déjà dans les starting-blocks ? Comme par hasard, il sème le trouble chez Celine depuis quelques semaines, montre sa mauvaise humeur pour être poussé à la porte par LVMH et être adopté par Chanel l’orpheline : un bâton de maréchal pour cet illusionniste. Mais bien sûr, tout cela n’est que conjectures et cancans…
Dessin : L’escamoteur © Collection Christian Fechner – Morax.
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