« Ange ou démon, cerbère de la création pure ou de l’image de marque, Aphrodite de l’icône de mode à la collection tendance, la couleur est le plus difficile, délicat, risqué des médiums, pourtant le plus sensuel, intuitif, érotique, ensorcelant, » raconte Jean-Paul Bath, ingénieur et ménestrel, qui dirige Le French Design by VIA, l’agora française du style où les designers, les architectes d’intérieur et les fabricants tricotent des formes, incubent des idées et promeuvent des esthétiques nouvelles. « Rares sont les bons coloristes, » reconnaît encore cet homme d’éloquence. Un constat qui n’est pas une sentence mais l’occasion de démontrer, à travers l’exposition « Chromo Sapiens », combien la couleur est au centre du jeu stylistique.
Partenaire de l’événement, le Comité Français de la Couleur apporte son expertise, par les regards éclairés de son Président Olivier Guillemin et de moi-même vice-Président. En cinq étapes stratégiques où s’égrènent une sélection de sièges (chaises, fauteuils, chauffeuses, chaises longues et autres sofas…), Sapiens prend ses assises dans les couleurs qui ne sont pas ici de l’habillage pour faire joli (ou moche parfois !) ni du badinage pour divertir la faiblesse d’une forme. Travailler des palettes de couleurs exige des tactiques réfléchies où il s’agit de coordonner formes et matériaux avec des teintes, protagonistes à part entière d’un objet où chaque élément est à sa place pour révéler sa complétude esthétique.
En 1937, le peintre Fernand Léger, qui était aussi sculpteur, décorateur, céramiste…, écrit : « La couleur est une nécessité vitale. C’est une matière première indispensable à la vie, comme l’eau et le feu. » La couleur est une matière vivante qui a son existence propre, elle se patine, se corrode, se fane, s’étiole, perd de son éclat, sans disparaître. Un objet peut se briser à jamais, une couleur se perpétue dans le tourment du temps qui passe et garde sa dignité rompue mais debout.
Actrice du renouveau, la couleur stimule la créativité des designers, elle rythme le calendrier des marques qui l’utilisent pour scander des productions toujours plus nombreuses. Un emploi pas toujours à bon escient. Je reçois de très nombreux dossiers de presse de divers secteurs d’activités dont la couleur est l’accroche visuelle d’une « nouveauté » soutenue par un vocabulaire hyperbolique. Trop souvent, il s’agit d’un racolage affecté où la couleur sert d’alibi de surface destiné à ensevelir l’indigence d’un produit. L’exposition « Chromo Sapiens » et sa cohorte d’assises, démontrent comment les couleurs en apparence en liberté doivent être domptées par les designers érudits et les coloristes apprivoiseurs qui comprennent la vérité et la sensibilité des palettes pour ne pas badigeonner mais caractériser un objet par la ou les couleurs choisies. Quand les bons designers et les bons coloristes s’apparient, l’illustration est éclairante.
« Chromos Sapiens » à voir jusqu’au 15 septembre dans le show-room Le French Design 120 avenue Ledru Rollin 75011 Paris. Entrée libre.
Image : Uchronia qui a créé l’identité visuelle et la scénographie de l’exposition « Chromo Sapiens ».
#lefrenchdesign #via #comitefrançaisdelacouleur #design #france #couleur #uchronia