La recouture

Alors que le monde plonge dans un désordre extrême, alors que nous vivons la décade de la désillusion, pour paraphraser Maurice Sachs, la haute couture apparaît comme un moment incongru et suspendu, étrange et impérieux. La trentaine de maisons encore actives sur ce segment de marché hors marché offre une expérience transcendante qui explore un certain regard sur la beauté, un territoire d’inventions stylistiques qui ne connaît pas de frontières esthétiques.

On croyait la haute couture moribonde, exception culturelle française coincée entre des gloires passées qui s’étiolent et des consécrations futures qui se cherchent, et pourtant, sa vitalité est flagrante par son immuable superflu et sa sincère distinction. Son ardeur à rester vivante tient aux grands groupes de luxe, à la préservation des savoir-faire uniques et à une volonté de flatter une clientèle miraculeuse au portefeuille disproportionné. Mais aussi au talent de créatifs en quête d’absolu, un peu barrés, poussés par l’envie de faire vivre et revivre des mythologies de mode en bousculant l’Histoire.

À l’instar de Balenciaga, maître des maîtres qui a su tirer sa révérence à temps, laissant derrière lui une maison au patrimoine infini. Désormais aux mains d’un duo décapant qui a relancé la haute couture il y a un an. Cédric Charbit, le CEO et Demna Gvasalia le DA ne craignent pas de laver à grande eau l’élégant Balenciaga pour rafraîchir son image et inventer l’allure du XXIe siècle. Leur vision du luxe est un festival joyeux, foutraque, revigorant. Et populaire. Pour illustrer leur popularité, ils ouvrent une boutique de haute couture au 10 avenue George V, là où Balenciaga ouvrit sa première adresse en 1937. Un symbole historique, une approche résolument actuelle : ce magasin à la décoration radicale n’est pas un salon fermé, il est ouvert sur la rue à tous ceux et celles qui veulent/peuvent se payer le luxe d’acheter un vêtement, un objet ou accessoire fait-main. Ce n’est pas une révolution, mais une opportunité à toucher des clients réfractaires à un élitisme immobile et bigot.  

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Photo : © Balenciaga