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Les diamants sont-ils éternels ?

Si vous n’avez pas l’oreille musicale, voilà la transcription du deuxième épisode d’une série podcast liée à mon dernier livre publié aux éditions Maxima : LES NOUVEAUX IMPERATIFS DU LUXEDe la frénésie productiviste à un modèle économique respectueux de l’avenir.

Vous rappelez-vous de Breakfast at Tiffany’s, ce film de Blake Edwards qui date de 1961 ?... Dans ce chef d’œuvre du cinéma, l’héroïne jouée par Audrey Hepburn, chaussée de lunettes noires et habillée d’une robe fourreau Givenchy, est déposée au petit matin par un taxi devant le 727 de le 5èmeAvenue, l’adresse de l’emblématique joaillier Tiffany & Co (aujourd’hui dans l’escarcelle de LVMH après une feuillletonnante épopée médiatique ces derniers mois). Audrey Hepburn déambule à petits pas chassés flottants devant les vitrines dont elle contemple le contenu qui ruisselle de diamants. Elle bascule légèrement ses lunettes noires sur son nez et ses yeux pétillent sous l’éclat des carats dont elle espère qu’un millionnaire la couvrira.

Tiffany est la seule marque de luxe américaine digne de ce nom, et c’est aussi le premier joaillier à avoir introduit les diamants aux Etats-Unis à la fin du XIXesiècle sous l’impulsion de son fondateur Charles Lewis Tiffany. « Le roi des diamants » comme l’appelle ses contemporains a crée le concept de « Tiffany Setting », un serti unique qui suspend le diamant au-dessus d’un anneau à six griffes pour que la lumière le fasse briller et maximise son éclat, en fait c’est une astuce de construction intelligente pour donner à la pierre une brillance optimale qui tape dans l’œil. A condition de ne pas avoir un diamant de la taille d’une tête d’épingle. Pour une bague de fiançailles, un diamant solitaire doit être d’un poids à minima de 0,30 carats soit une taille d’environ 4,25 mm, si vous êtes en dessous, vous passez au mieux pour un radin, si vous êtes très au-dessus, vous passez au pire pour un mafieux russe.

Je vous parle des bagues de fiançailles de Tiffany parce qu’elle assurent près de 40% du chiffre d’affaires du joaillier. Un passage presque obligé pour toute Américaine qui rêve qu’on lui passa la bague au doigt. C’est sans pour cela que Tiffany n’a pas encore cédé aux diamants de laboratoire qui émeuvent les grandes places diamantaires depuis plusieurs mois. 

Pour comprendre, il faut rappeler qu’un diamant brut naturel est extrait des entrailles de la terre où il y est logé depuis des centaines de millions d’années. Alors qu’un diamant de laboratoire est produit dans un réacteur, une sorte de four, en quelques semaines seulement. Je ne vais pas vous détailler les modes de productions, je vous revoie à la lecture de mon livre où je donne tout en détail, mais sachez qu’aujourd’hui, ces diamants de labo, qui sont du carbone pur cristallisé comme les diamants terrestres, affichent une pureté, un éclat et un indice de réfraction en tous points identiques que les pierres naturelles. Les meilleurs gemmologues du monde avouent ne pas différencier l’une et l’autre des pierres. La seule différence, c’est le prix : un diamant de labo est à peu près 40% moins cher qu’un diamant naturel. De plus, le diamant de laboratoire serait écologiquement correct, ce qui reste à débattre tant il faut beaucoup énergie pour le produire ; le diamant naturel est en effet contesté sur ce sujet par son exploitation de la terre et des hommes : les mines sont jugées comme un désastre écologique et social. Même si les compagnies minières ont fait beaucoup d’effort pour améliorer leur empreinte écologique.

Où en est-on aujourd’hui ?

La production de diamants de laboratoire est encore limitée — moins de 4 millions de carats produits en 2019 contre 140 millions de carats de diamants naturels bruts extraits des mines —Malgré leur faible production, est-ce que les futures fiancées vont être émues et séduites par un diamant fabriqué en quelques semaines dans un labo en lieu et place d’un diamant de mine vieux de plusieurs centaines de millions d’années ? D’autant que ces fiancées transies de bonheur peuvent douter qu’un diamant alternatif puisse prendre de la valeur avec le temps comme un diamant naturel qui se bonifie du seul fait de sa rareté qui va grandissante. Quelle valeur émotionnelle et symbolique (le luxe n’est que symboles) accordée à une matière industrielle qui n’a pas d’histoire ? Quelles qualités d’unicité et d’authenticité données à un luxe cloné en laboratoire ? Dans 50 ans, les bijoux sertis de diamants de labo feront-ils exploser les estimations des commissaires priseurs dans les ventes aux enchères de prestige ? Tout cela interroge beaucoup les joailliers.  

Finalement, je pense que nous allons assister à l’émergence d’un luxe à deux têtes, avec d’un côté, des marques utilisatrices de matières premières naturelles, raréfiées, sourcées et tracées, et de l’autre, des marques consommatrices de matières alternatives, industrielles et abondantes... Le futur est ouvert...

Pour boucler la boucle, en janvier 2020, le groupe LVMH (encore lui !) a fait l’acquisition du Sewelo, un diamant découvert au Botswana par la société minière canadienne Lucara Diamond Corporation. D’un poids de 1 758 carats, il est la deuxième plus grosse pierre précieuse jamais trouvée après le Cullinan d’un poids de 3 106 carats, extrait d’une mine d’Afrique du Sud en 1905. Cette acquisition du Sewelo souligne vraisemblablement l’orientation affirmée du groupe LVMH vers la haute joaillerie naturelle et sa foi dans l’avenir d’un luxe élitiste. Et avec un diamant d’un tel poids, ça devrait peut-être lui permettre de tailler quelques dizaines de bagues de fiançailles pour Tiffany... Les Américaines vont être ravies...   

 

 

© Paramount Picture 1961 / © Editions Maxima

 

Les diamants sont-ils éternels ?
Tag(s) : #Ainsi va le monde, #Marques, #Marketing, #Stratégies, #Tendances
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