Une question (et ses réponses) à écouter en podcast ici ou à lire là dans sa transcription littérale...
La crise sanitairo-économique a fait subir la plus forte baisse jamais connue au secteur du luxe. Selon Bain & Company, les ventes ont reculé de près de 25% l’année dernière pour tomber à environ 217 milliards d’euros pour ce qu’on appelle les produits personnels (mode, bijoux, beauté et autres) et à peu près 1.000 milliards pour la globalité des industries du luxe qui comprennent les services, l’hôtellerie, le yachting, les automobiles et compagnies.
Pour un secteur habitué à une croissance que je qualifierai de presque organique de 4 à 5% par an, c’est une véritable descente en enfer liée évidemment au confinement planétaire et à la désertion des touristes cloués au sol et chez eux. La situation aurait pu être pire si les marques n’avaient pas accéléré leur digitalisation. Les ventes de produits de luxe sur internet ont presque doublé pour atteindre 49 milliards d’euros l’année dernière, contre 33 milliards en 2019. Diverses études prédisent que les ventes digitales dépasseront les 30% voire plus à l’horizon 2025. L’année où le tourisme mondial devrait retrouver de l’allant et ses volumes de voyageurs. Enfin, si une autre catastrophe ne vient pas confiner nos espérances.
Cette crise devrait aussi pousser les marques à reformater leurs réseaux de magasins parfois pléthoriques et dans la foulée calmer leur frénésie productiviste à multiplier les collections surnuméraires, les extensions créatives tirées par le cheveux et les collabs à la légitimité douteuse qui encombrent notre société de surconsommation. Plus les marques ouvrent des points de vente, plus il leur faut de produits pour les remplir et plus elles se massifient au point de se diluer, loin de leur revendication de rareté et d’exception qu’elles clament et proclament à tout va.
Et si finalement ce recul de près de 25% des ventes étaient les produits de trop et le moment pour les marques de luxe de se mettre en mode detox, d’arrêter d’en faire des tonnes, de calmer leur obsession à se faire voir par tous les moyens, pour répondre à l’enjeu prioritaire du 21èmesiècle : la transition économico-climatique. Je sais, ce n’est pas glamour, mais difficile de l’ignorer au risque de passer pour un vilain exploiteur de la nature qui reste indifférent au chant des baleines.
La transition n’est pas simple pour personne. Marco Bizzarri, le DG de Gucci, disait au New York Times, « La seule façon de réduire les émissions carbone à zéro serait de fermer notre entreprise ». En effet, il ne s’agit pas d’être naïf, les maisons de luxe doivent réduire la voilure tout en croissant d’une manière ou d’une autre en profitant de notre faiblesse assumée à consommer du superflu pour le plaisir. Le nouvel âge du luxe ce « nécessaire superflu » pour citer Cyrille Vigneron, le Président de Cartier, c’est exploiter la nature avec discernement sans trop la détruire et sans exiger de nous une ascèse expiatoire qui nous condamnerait à nous serrer dans un abri de jardin à brouter du quinoa en attendant le déluge...
LES NOUVEAUX IMPERATIFS DU LUXE aux éditions Maxima, une lecture qui n’est pas superflue...