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Des démocraties sans récit

Malgré la victoire de Joe Biden qui a emporté les élections aux Etats-Unis avec 306 grands électeurs et 78 millions de voix, Donald Trump s’accroche au bureau ovale (et à son club de golf) contestant le résultat. Sans projet politique, sinon celui d’être Donald Trump, il a quand même rassemblé 72,7 millions d’électeurs soit plus que lors de sa première victoire. Le futur ex-président des Etats-Unis a réussi à stimuler la structure caractérielle irrationnelle de l'individu moyen, happé par le vide, réprimé par une intelligentsia méprisante, en n’ayant aucun programme défini, ni récit pour élever son peuple et son pays réduits à un isolement délétère et à une prospérité artificielle. Si Joe Biden dispose d’un programme, il n’emporte pas les foules dans un élan d’espérance partagé par tous, il ne suscite pas l’enthousiasme, y compris chez les démocrates. Son élection est en grande partie la conséquence d’un vote contre son adversaire plus que d’un vote d’adhésion pour lui. Joe Biden ne fait pas rêver, il raisonne en prudent, en homme de statu quo, déballant un inventaire de mesures pavées de bonnes intentions, qui certes ne touchent pas les bas instincts comme le Trump à houppette jaune, mais n’en font pas un récit de société aspirationnel.

 

« La littérature ne permet pas de marcher mais elle permet de respirer », a écrit Roland Barthes. Un récit politique repose sur une intention narrative qui sort chacun du quotidien et de ses contingences, c’est une puissante respiration qui élève le citoyen vers un projet de société rassembleur. Dans nos démocraties, depuis le début de l’année et face à cette pandémie, l’imprévisibilité de l’avenir crée un fort climat d’incertitude dont les politiques ne parviennent pas à se détacher. La gestion actuelle est globalement désastreuse et entraîne un effondrement économique et social sans perspectives. Aucun récit lumineux ne vient éclairer le présent, aucun déterminisme politique ne vient gouverner autrement que dans la contrainte de la pression médiatique. Pour l’universitaire Jean-Pierre Dupuy, il est impératif de passer du « temps de l’histoire » qui paralyse, au « temps du projet » qui construit. Et sortir nos démocraties du totalitarisme hygiéniste qui menace nos libertés fondamentales.

 

La faillite des Etats démocratiques est patente, la gouvernance chaotique d’une situation historique renforce un populisme sans projet, sans récit, sinon celui d’ouvrir un boulevard pour les dégagistes à houppette jaune qui « font rêver » en mobilisant l’orgueil bafoué des populations confinées dans le mépris. Ludovic Tournès, professeur d'histoire internationale à l'Université de Genève, prévient : « Le Trumpisme va s’installer durablement aux États-Unis, et il continuera sans doute d’inspirer un certain nombre de responsables politiques européens. » En France, Macron et Castex désespèrent la société, humilient les Français par une improvisation accablante (la gestion des produits essentiels est à cet égard une honte pour l’intelligence des citoyens), ils ouvrent la porte à des millions d’hommes et de femmes tentés par un vote antisystème ; gagnés par le repli, ils vont se contenter d’un récit sans syntaxe politique, vide de sens mais emplit de protestation aigre. Le « quoi qu’il en coûte » macroniste ne fait pas rêver, il ruine les finances publiques et il euthanasie l’espoir d’un futur qu’il semble bien incapable d’écrire...

 

Le XXIe siècle, enfin ! Le monde de maintenant (et d'après...), Trendmark Publishing, 2020, disponible ici ou encore ici en version broché ou ebook.

 

Photo : D.R.

Des démocraties sans récit
Tag(s) : #Ainsi va le monde, #Idées, #Signaux faibles
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