L’image a de quoi surprendre * : la poignée de main complice entre Bernard Arnault, Président du groupe LVMH, et Donald Trump, Président des Etats-Unis, lors de l’inauguration d’un atelier Louis Vuitton dans la pampa texane. Ce folklorique baptême présidentiel très médiatisé et très encadré par le service de communication de la marque au Monogram, est le résultat de la politique de « soft power » de Bernard Arnault qui « répond aux attentes du président américain en matière d’investissements » (sic !) dans un pays qui pèse 24% du CA du groupe et ce d’autant que les perspectives du marché du luxe aux USA s’annoncent molles : entre 2 et 4% cette année selon Bain & Co. Soucieux de ne pas froisser un Donald Trump imprévisible qui a la taxe douanière chatouilleuse, le patron de LVMH protège son business et dans la foulée celui de toute l’industrie du luxe européenne, alors que les vins français sont déjà dans le collimateur de la Maison Blanche.
En effet, Bernard Arnault se place en première ligne et s’impose en ambassadeur putatif des belles maisons européennes que le monde entier nous envie. Pourtant, on ne peut détacher cette image lisse et « bon enfant » d’un filigrane politique aux grosses ficelles. Donald Trump est très controversé (et ce n’est rien de le dire) par son comportement raciste, haineux, hystérique, climatosceptique, il traîne des casseroles que les démocrates américains ne manquent pas de sortir des placards, il est inculte et méprisant envers le monde et toutes les institutions, il est le porte-étendard de l’égoïsme américain dont l’empire s’émiette, il est l’archétype du populisme qui ravage les démocraties actuellement… Il n’est en aucun cas le légat éclairé des valeurs du luxe, sinon dans sa version la plus vulgaire comme ses immeubles et ses casinos.
S’afficher avec un tel personnage n’est pas sans interroger. Bernard Arnault a évidemment la charge de faire tourner une grosse machine qui emploie 156 000 personnes à travers le monde, mais le fleuron du luxe hexagonal et mondial peut-il résister au cynisme d’une telle manœuvre médiatique ?
LVMH prend incontestablement un risque d’image qui va entacher sa réputation à l’extérieur et à l’intérieur du groupe. Nicolas Ghesquière, DA du PAP féminin de Louis Vuitton a déjà fait part de sa désapprobation sur son compte Instagram : « Opposé à toute action politique. Je suis un créateur de mode qui refuse cette association ». Conscient de la controverse, Bernard Arnault a déclaré ne pas être « là pour juger les politiques ». Certes, produire des fringues, des sacs et des colifichets, n’est pas un geste politique, ce qui n’obère pas d’avoir une conscience et plus encore une éthique intrinsèquement liées à des maisons de luxe dignes de ce nom, du moins le croit-on. Les nouvelles générations, particulièrement sensibles à l’état déplorable du monde, ne vont pas fermer les yeux sur un numéro de claquettes avec un président sans foi ni loi. Etre leader mondial exige de la retenu tout en montrant la voie vers une société meilleure, responsable, plus belle.
* Pas vraiment une surprise en fait, Bernard Arnaud avait déjà chaleureusement félicité Donald Trump lors de son entrée dans le Bureau Ovale.
Photo : Matteo Prandoni/BFA.com