Depuis 2001, date de sa création, Richard Mille a toujours démontré qu’il était un horloger à part. Lors du dernier SIHH, il a encore prouvé sa capacité à étonner dans un univers de la haute horlogerie parfois compassé. Son stand — le plus surprenant et attirant du salon avec celui d’Hermès — est à l’image de sa créativité décalée : dans une ambiance de confiserie sortie tout droit d’Alice au pays des merveilles, l’horloger suisse a présenté la « Bonbon Collection » où des friandises colorées, — marshmallow, cupcake, sucette, réglisse… —, animent ses boîtiers iconiques. Plus féminines que masculines, ces montres gourmandes ont séduit à tel point que les 10 modèles déclinés en 30 exemplaires chacun auraient été vendus en trois jours… Une prouesse quand on sait que les montres Richard Mille se vendent au prix moyen de 180.000 euros ! On se demande pourquoi il a annoncé vouloir quitter le grand rendez-vous genevois l’année prochaine ?...
En réalité, Richard Mille (4.800 montres vendues en 2018 pour un CA de 300 millions de CHF) suit une stratégie d’exclusivité renforcée par un contrôle de sa distribution en éliminant les détaillants multimarques au profit de magasins en propre. Une stratégie inéluctable pour les marques de luxe dignes de ce nom qui ne délèguent pas ce point de contact essentiel avec les clients que sont les magasins.
Plus encore, Richard Mille sait aussi inventer ses propres codes esthétiques et marketing, à l’image d’une marque fashion style comme Louis Vuitton : Richard Mille valorise son savoir-faire d’horloger, comme Louis Vuitton valorise son savoir-faire de malletier ; Richard Mille crée une collection de montres bonbons improbables, Louis Vuitton crée une collection de sacs incongrus avec Jeff Koons qui détourne les grands maîtres de la peinture ; Richard Mille et Louis Vuitton sont dans l’exploration esthétique sans limite et sans se préoccuper du « bon ton » ou du « bon goût » ; Richard Mille et Louis Vuitton sont des cool brands qui possèdent une solide base d’aficionados qui les suivent et les soutiennent sans condition… ou presque ! Richard Mille comme Louis Vuitton ne suivent pas le mainstream, ils tracent leur propre route, selon la formule « qui m’aime me suive… »
Dans un environnement concurrentiel marchand plutôt uniforme, sortir des sentiers battus est une exigence, casser les codes est une nécessité, à condition d’avoir une culture de marque qui supporte les écarts, quitte à choquer les traditionnalistes. Produire quelque chose qui plait à tout le monde a de grandes chances de ne plaire à personne : Richard Mille évalue sa base de clients à 10/12.000 personnes, une communauté réduite appréciant qu'une telle marque ne se galvaude pas et préserve son intégrité à forger de l’audace.
Photos : © Richard Mille