Le Mondial de l’Auto a fermé ses portes après dix jours d’exposition, contre seize habituellement. Un salon qui a fêté ses 120 ans dans un environnement où l’automobile change brutalement et rapidement de paradigme. Amputé d’une vingtaine de constructeurs, — Abarth, Alfa Romeo, Aston martin, Bugatti, Fiat, Ford, Infiniti, Lambirghini, Maserati, McLaren, Mazda, Mini, Mitsubishi, Nissan, Opal, SsangYong, Subaru, Volkswagen et Volvo —, le rendez-vous parisien n’a de plus de mondial que le nom, d’autant que l’arrogante Hidalg’ystérique s’acharne à traquer les véhicules à moteur : Paris, coincé dans son petit périmètre encore raccourci par l’édile aux idées courtes, devient une ville de province à l’échelle du monde.
Pour occuper le terrain de la porte de Versailles déserté par quelques constructeurs, les organisateurs se sont adjoints le marché des deux roues à moteur, ont créé un nouveau salon autour de la mobilité et un musée éphémère, avec en point d’orgue une « Parade des 120 ans » dévoilant des véhicules mythiques sur la place de la Concorde, des vieilles autos qui n’auront très bientôt plus de droit de circuler dans Paris (ni ailleurs) pour cause de non éligibilité aux normes Crit’Air !
Ce salon reflète finalement la fin d’un règne, celui de l’automobile passion au profit de l’automobile raison ; dans les allées, on ne parlait que de traction électrique, d’usage, de fonction, de connectivité et d’autonomie que tout relie à la seule mobilité. Une mobilité devenue l’argument principal d’une société qui privilégie désormais l’utilité du déplacement multimodal à l’agrément du mouvement libre.
Le plus symptomatique de ce changement, est l’accélération dans le développement des voitures autonomes qui s’imposeront dans moins d’une dizaine d’années. Entièrement automatiques, les futures autonomobiles feront disparaître le conducteur et son plaisir du pilotage, remplacés par une intelligence artificielle qui ne cherche pas les vibrations de la conduite, mais l’action sans rythme, sans risque, sans vitesse, sans émotion. Des voitures machinales comme des robots roulants…
Ultime pied de nez à cette mutation, le groupe PSA a présenté deux concept-cars emblématiques de la révolution automobile en route. L’un chez Peugeot, le second chez DS. Le premier s’appelle e-Legend, il est électrique et gavé de toutes les technologies imaginables et robotisées pour aller d’un point à un autre sans accroc, logées dans une carrosserie racée et nostalgique, inspirée de la 504. Une voiture mythique dessinée en 1969 par Pininfarina, dont la version coupé et cabriolet a été vendue à un peu plus de 31.000 exemples en une quinzaine d’années, et qui évoque le plaisir de rouler cheveux au vent… en consommant 18 litres aux 100 km ! A l’époque, la 504 coupé a séduit pour son look moderne et équilibré, bourgeois et confortable, marquant l’histoire de l’automobile. Dans un style rétro-moderne réussi, la e-Legend réinterprète le charme de la 504 en version exaltée par un futur humanisé, comme pour rappeler que l’automobile ne doit pas oublier sa part d’émotion. « Nous avons voulu raconter un futur enthousiaste et heureux, loin des concepts-car traditionnels qui ont un côté robotisé et froid, désincarné et qui me rappellent des films de science fiction », a justement expliqué Gilles Vidal, le designer de Peugeot. A l’exacte désincarnation du second concept-car baptisé X E-Tense et badgé DS donc, une voiture side-car asymétrique où le passager unique et le conducteur ne peuvent communiquer : l’un et l’autre enfermés dans leur bulle se laissent emmener par un moteur électrique et un conduite autonome encore et toujours. La carrosserie de ce véhicule est un cliché futuriste qui est plus effrayant que séduisant, renforcé par une couleur « bleu Millenium qui fait référence au monde de la mode » (sic !). Si l’exercice de style fait son effet, on n’a guère envie de circuler dans un tel véhicule sans doute mieux adapté à un héros Marvel qu’à un citadin de la prochaine décennie.
Quoi qu’il en soit, ces deux concept-cars sont le signe que l’automobile cherche sa réinvention entre passé et futur dans un présent qui la presse de réduire sa voilure pour entrer dans les fourches caudines de l’écologie culpabilisante. Les passionnés de bagnoles vrombissantes et de bécanes pétaradantes sont prévenus, c’est la fin d’un monde.
Images : © DS, Peugeot