Le secteur du parfum sélectif patine, la surenchère des lancements qui culbutent dans les rayons des parfumeries (+/- 2.000 nouveautés par an) et des prix trop élevés (+ de 80 € les 50ml) face une valeur perçue discutable et une banalisation délétère, dissuade les clients à plonger dans les fragrances nouvelles des grandes marques historiques. Ce n’est pas un désamour des senteurs en flacons, loin de là, le succès de la parfumerie confidentielle ou de niche en témoigne, avec des croissances à deux chiffres depuis quelques années maintenant.
Les parfumeurs traditionnels et les marques de luxe ne baissent pas les bras et ont enclenché des stratégies de reconquête. D’autant que les parfums sont des cash machine en terme de marges… Enfin, pour ceux qui parviennent à une diffusion planétaire, ce qui exige des investissements importants.
La première des stratégies consiste à faire de la confidentialité contrôlée. A l’image de Louis Vuitton qui a décidé de produire des parfums haut de gamme vendus uniquement dans ses points de vente, pour éviter la vulgarisation dans les linéaires des parfumeries désormais transformées en supérettes, des parfums à histoires vendus à des prix « niches » (environ 200 € les 100ml) pour générer du trafic et attirer une nouvelle clientèle, tout en ajoutant une palette de produits supplémentaires à des clients fidèles qui ne rechignent pas à se « vuittoniser » dans un sillage évocateur.
La seconde stratégie s’appuie sur les deux jambes du sélectif : le blockbuster et la niche, le motoculteur et la binette. Une stratégie que pratique aujourd’hui, Dior, Chanel, Hermès, Yves Saint Laurent, Guerlain et consorts avec des lancements de fragrances mastodontes destinés aux masses et des fragrances exclusives destinées aux amateurs.
Dior en a fait la récente démonstration avec d’un côté, le lancement de Joy, un parfum censé devenir une franchise machine à cash qui doit entrer dans le top 10 des ventes mondiales, et de l’autre, le développement de jus exclusifs et « grand cru » comme La Colle Noire, distribués uniquement dans les boutiques Dior et quelques grands magasins ; des parfums en suspension qui racontent des histoires intimistes dont raffolent des clients cultivés. La maison Dior qui vend pour 2,5 milliards de parfums par an, talonnant Chanel numéro 1 avec 2,6 milliards de ventes, ne peux ignorer ses deux typologies de produits pour tenir sa place en termes d’image et de bénéfices. D’autant qu’il faudra surveiller l’évolution du marché des parfums de niche qui a été multiplié par 3 en dix ans et risque de friser rapidement la thrombose avec une surenchère de lancements pas toujours qualitatifs ni confidentiels ; ils se disputent les étagères de plus en plus encombrées des 3.000 points de vente— « cabinets de curiosités » — sélectifs dans le monde qui les diffusent et brouillent ce message d’exclusivité exigé. Retourner un champ au motoculteur est plus rapide qu’à la binette, c’est une question de choix de culture intensive ou biologique…
Images : D.R.