Le SIHH, rendez-vous huppé de la haute horlogerie mondiale, réunit à Genève un entre soi choisi de grands faiseurs : dix-huit maisons historiques dont les stands épatent souvent pour leur magnificence, et dix-sept marques au profil plus modeste logées dans le Carré des Horlogers, des horlogers qui ne déméritent pas, apportant un regard stimulant au salon.
Cette édition 2018 a dévoilé un millésime sérieux mais sans risque, en exposant un certain nombre de grands classiques revampés, une cascade de complications et un alignement de montres sportives (chez A.Lange & Söhne, Audemars Piguet, Baume & Mercier, Girard-Perregaux, Hautlence, IWC, Jaeger-Lecoultre, Montblanc, Panerai, Parmigiani, Roger Dubuis, Ulysse Nardin, etc.), des montres qui soulignent que le chronographe est le point d’orgue de la précision. Ces montres viriles et bien campées devraient séduire les collectionneurs de belles mécaniques à la recherche de pièces qui sont tout autant un investissement qu’un achat passionné.
Après des ventes en retraits ces derniers mois, les horlogers jouent donc la carte de l’assurance et de la mesure. « L’horlogerie vient de vivre un grand stress, a rappelé Cyrille Vigneron, à la tête de Cartier. Après l’embellie qui a succédé au trou d’air des subprimes dès 2009 — embellie qui s’est traduite notamment par un très fort redémarrage en Chine conduisant la branche à une situation de quasi pénurie —, la contraction a été sévère et brutale. Aujourd’hui, la demande est en meilleure forme et, même si la reprise n’est pas forcément bien répartie, elle est bien réelle ». Le secteur du luxe semble avoir pris conscience que même si la croissance est tonique et son attractivité renforcée, il faut anticiper les cycles économiques brutaux, les soubresauts géopolitiques, les fluctuations des monnaies, la volatilité des clients, une désirabilité changeante…
Les organisateurs du SIHH, courtisés par de nombreuses marques de luxe qui cherchent des ilots de reconnaissance, en ont conscience et entrebâillent la porte à de nouveaux impétrants, avec cette année, une seule élue chez les historiques : La Montre Hermès. Plus cinq autre mais dans le Carré des Horlogers. Le sellier du faubourg (attendue au cadran !) s’est posé avec sérénité au bord du Léman et a réussi son examen de passage, insufflant une vraie bouffée salutaire dans ce sérail d’horlogers de haute volée. Si la marque ne semble pas avoir le même pedigree que ses devanciers habitués à épater la galerie par des garde-temps aux mouvements acrobatiques et souvent d’une complexité époustouflante, elle est pourtant un horloger à part entière depuis une quarantaine d’années, possédant une manufacture située dans le Jura suisse qui emploie plus de 300 personnes, elle est aussi actionnaire de Vaucher Manufacture, la fabrique de Parmigiani Fleurier et elle détient le fabricant de boîtes Joseph Erard et le fabricant de cadrans Natéber. Un bel aréopage qui conforte sa position de faiseur patenté, avec un point de différenciation majeur : son style.
Incontestablement, sur le SIHH, le stand d’Hermès était le plus créatif, le plus informel dans cet univers de luxe affecté où la marque ose un autre temps ludique et décalé. De plus, ses montres ne sont pas des exploits mécaniques tonitruants, ce sont de beaux objets, simples, contemporains, dont la précision est avant tout distinguée, ce qui ne les empêchent pas de donner l’heure avec l’exactitude requise pour une montre suisse. Chez Hermès, la ponctualité est du grand art et une élégance retenue qui ne sonne pas le tocsin à chaque tour d’aiguille. Comme d’autres…
Images : © Hermès