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Courrèges sans courage ?

Marque emblématique des années 60/70, la Maison Courrèges s’est imposée en bouleversant les codes de la mode et en révélant un style futuriste accessible où minimalisme architecturé et blancheur immaculée révolutionnaient l’esthétique dorée et la pompe bourgeoise de la haute couture d’alors. Dans les années 80, le duo lunaire André et Coqueline Courrèges a diversifié l’offre de produits autour de leur marque qui connaît au fil des ans un parcours chahuté.

 

Lorsqu’en 2011, les deux publicitaires Jacques Bungert et Frédéric Torloting rachètent l’entreprise, la marque étouffée par sa propre histoire, retrouve des couleurs sous la houlette créative de deux designers, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant… qui ont été congédié au printemps dernier ! Malgré un soutien de la presse qui applaudit (sincèrement ?) au revival des collections, la maison Courrèges ne dégage pas d’argent, elle en perd et ses ventes peinent à décoller : une vingtaine de millions d’euros de chiffre d’affaires selon Fashionnetwork.com. Autant dire bien peu…

 

Le secteur de la mode vit un passage à vide avec des consommateurs qui cherchent des expériences plus émotionnelles et authentiques que l’achat d’un sac à main, une robe ou un parfum. C’est pour cette raison que les Zara, H&M, Uniqlo et autre Primark à bas prix cartonnent, et que les collections basiques, fondamentales, intemporelles séduisent. La singularité des individus d’aujourd’hui passe moins par les gesticulations récréatives d’une marque de mode, que par l’envie de scénariser sa personnalité par des leviers plus intimes, plus personnels.

 

Des marques comme Courrèges vivent sur leur passé qu’elle tente de réinventer, sans intégrer les comportements actuels ; elles créent, produisent et vendent de la mode comme au siècle dernier, sans imaginer de nouveaux éléments de langage du marketing : Courrèges fait du Courrèges comme dans les années 60/70. Or, nous sommes au 21ème siècle et la modernité esthétique de cette période historique, amuse au mieux, ennuie au pire. L’histoire de Courrèges était une épopée formidable portée par la mouvance révolutionnaire de la décennie 60, elle a perdu son souffle épique, ne parvenant pas écrire un nouveau mouvement futuriste.

 

Artémis, la holding de la famille Pinault qui détient déjà 30% de la Maison, s’intéresserait (conditionnel…) à son rachat global ; lors d’un conférence au Vogue Fashion Festival, Coqueline Courrèges a pris à partie François-Henri Pinault : « Je n’aime pas ce que vous avez fait de Balenciaga, c’est grossier, et je n’aime pas l’idée de ce que vous pourriez faire de Courrèges ! »

 

Pourtant Courrèges aurait bien besoin d’un électrochoc stylistique comme Balenciaga, redevenue une marque de mode influente dans le monde. Pulsée par le travail du directeur artistique Demna Gvasalia nommé en 2015, Balenciaga a renoué avec le succès en imposant une nouvelle modernité ancrée dans son époque. La maison de couture fondée par Cristobal Balenciaga en 1919 qui avait le goût de l'épure et de l'élégance construites, n’est pas dans une stratégie de rupture, mais dans la continuité de son mythe avec une mode irrationnelle et dérisoire, comme notre époque. Cristobal Balenciaga avait créé un style ordonné mais radical, idem pour Demna Gvasalia qui casse lui aussi les carcans, mais dans l’incohérence contrôlée. Courrèges doit oublier Courrèges pour mieux redevenir Courrèges…

 

 

Photos : Courrèges hier et aujourd’hui © Courrèges

Tag(s) : #Marques
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