La période des soldes va démarrer la semaine prochaine dans un climat morose : des détaillants mettent la clé sous la porte, des enseignes réduisent la voilure et ferment des magasins, des marques tentent de surnager dans un océan de vêtements et d’accessoires dont personne ne veut. Selon l’Institut Français de la Mode, le secteur va encore chuter cette année de près de 2% et revenir à son niveau du début des années 90 !
Les causes sont multiples et lancinantes. Le climat dérègle les saisons : entre des hivers trop doux et des étés pluvieux, des automnes caniculaires et des printemps glacés, le rythme saisonnier de la mode est de plus en plus… hors saison ! Le manque de réactivité des marques et des distributeurs est criant, ils ne s’adaptent pas à cette réalité climatique continuant à suivre les rythmes d’une industrie bloquée au siècle dernier dans sa logistique. Le débat sur le « see now buy now » témoigne d’une difficulté pour de nombreux acteurs à ne pas vouloir intégrer le paramètre de l’immédiateté qui guide le consommateur aujourd’hui. D’où le succès des sites de mode de e-commerce qui occupent de plus en plus le terrain avec des progressions années après années pendant que les magasins en dur attendent les clients. A l’image de pure-players comme le britannique Asos (« As seen on screen ») qui vise les 15/25 ans (mais habille tout le monde !) et affiche une croissance de 26% en 2016 pour un CA de 1,44 Mds £, la France étant son second marché dernière le Royaume Uni… Ce site propose une offre créative et universelle bien calibrée en terme de prix et de style avec 850 marques dont une marque propre qui cartonne, est réactive avec peu ou prou 4.000 nouveautés par semaine, livre en 24 heures et communique via les réseaux sociaux sur une base de clients qui dépasse les 12 millions.
On comprend dès lors que le nombre de magasins aujourd’hui pléthorique ne peut que se réduire et ce, malgré la poussée des promoteurs immobiliers qui créent encore et encore des millions de mètres carrés qui deviendront des déserts commerciaux, d’autant moins attractifs qu’ils déroulent le même alignement d’enseignes interchangeables dont l’offre transpire l’uniformité et l’ennui.
En cela la réglementation politique (en quoi l’état est le mieux placé pour gérer les stocks des commerçants ?) et binaire des soldes en juillet et en janvier ne va pas dans le sens d’une révolution que le secteur de la mode peine à aborder. Les soldes ne sont que la petite mort annoncée et ce d’autant que la multiplication des promotions, des ventes privées et autre Black Friday dénature son aspect événementiel banalisé par des prix barrés devenus la norme : plus de 50% de ce qui est vendu ne l’est pas à son prix affiché… La mode ne vaut plus rien ou si peu, il serait temps de lui redonner de la valeur.
Photos : D.R.