« Les avancées de la Révolution industrielle, notamment la machine à vapeur, le métier à tisser mécanique et le télégraphe, ont transformé le XIXe siècle à peu près de la même manière que les avancées de la révolution numérique — l’ordinateur, la puce électronique et internet — ont transformé la nôtre », écrit Walter Isaacson, directeur général de l’Institut Aspen, dans son dernier livre Les innovateurs (JC Lattès 2015). « Au cœur de ces deux ères se trouvaient des innovateurs combinant l’imagination et la passion avec une technologie étonnante, mélange qui produisit la ‘science poétique’ », poursuit-il faisant référence à Ada Byron, scientifique lettrée qui a baigné dans « l’enthousiasme technologique de la Révolution industrielle ».
A l’heure du CES de Las Vegas, grand-messe des nouvelles technologies, encore que l’adjectif ‘nouvelles’ soit inutile, tant elles sont entrées en partie dans notre quotidien, nous assistons en effet à une combinatoire de technologies existantes dont seules les applications et les usages sont nouveaux et encore avant-gardistes. A l’heure du CES de Las Vegas, la France fait la démonstration de la puissance de sa science poétique et de son érudition numérique en alignant 190 start-up, le plus gros bataillon derrière les Etats-Unis, loin devant l’Angleterre ou l’Allemagne…
Cette incroyable énergie hexagonale dénote totalement face à un pays qui déprime grave et se complait dans la commémoration larmoyante et le masochisme décliniste. Cette formidable poussée entrepreneuriale étonne face à un système économique français bloqué par des syndicats et des professions réglementées hors d’usage et hors du temps, enlisé par une classe politique prédatrice qui entretient l’éternelle rengaine de la France à deux vitesses, celle qui pleure son passé, l’autre qui regarde son avenir, celle qui vit dans la peur du risque, l’autre qui avance sans arrières pensées négatives, le grand écart entre une France nationaliste et une France mondialiste.
N’empêche, ces 190 start’up et les milliers d’autres qui s’agitent dans des dizaines de couveuses à talents numériques et digitaux disséminées sur tout le territoire apportent la preuve qu’en se bougeant les neurones et en plongeant dans le grand bain de la mondialisation techno-économique, il est possible de démontrer à quel point nous avons de formidables ressources humaines ici et maintenant capables d'écrire l'Histoire. Des jeunes (et des moins jeunes), des entrepreneurs, des chercheurs, des ingénieurs, des financiers, des investisseurs, des créateurs, des optimistes… qui démontrent par la science et la technologie que nous sommes bien vivants et bouillonnants d’idées et d’imagination pour participer à la réinvention du monde.
A Las Vegas, le motto de cette France progressiste sonne comme une appel à la révolution technologique et à une auto-analyse radicale : « Fuck the decline, kiss the future ! »