Lundi, la capitalisation boursière d’Alphabet (Google), Amazon et Microsoft augmentait de près de 100 milliards de dollars ! Le secteur des technologies continue d’attirer les investisseurs, ces entreprises (et quelques autres) bouleversent le quotidien de centaines de millions d’individus, elles changent le monde, dominent l'économie de marché, forcent la globalisation à entrer dans le XXIème siècle : elles font rêver…
Le secteur du luxe fait aussi largement fantasmer, il séduit une humanité en mal de supplément d’âme et de symboles égotistes, il enthousiasme les financiers et les glaneurs d’exception. Ainsi, lorsque Sergio Marchionne, le patron de Fiat Chrysler Automobiles, décide de placer en bourse la marque automobile de luxe la plus fascinante du monde, c’est la ruée ! Ferrari, désormais cotée à New York, est déjà valorisée à près de 10 milliards de dollars, soit 30 fois ses bénéfices annuels… Ce qui est un tantinet déraisonnable pour une entreprise qui ne produit que 7.000 véhicules par an (9.000 prévues en 2019, pas plus) et crache seulement une moyenne de 15% de marge opérationnelle : trop peu pour une marque de luxe (le ratio est de 35 à 45%), mais beaucoup pour un constructeur automobile dont la marge opérationnelle dépasse rarement les 10%.
Pour autant, Ferrari est une effrontée qui porte belle dans l’univers des constructeurs de luxe : Lamborghini et Bugatti (dans le giron du groupe Volkswagen) piétinent, Rolls Royce (appartenant à BMW) s’en tire pas trop mal avec plus de 4.000 véhicules vendues en 2014 (un record pour la marque !), Bentley (Volkswagen encore) devient un peu trop premium avec 20.000 véhicules produits espérés en 2020… si les malheurs du groupe allemand ne déteint pas sur elle. Quant à Maybach, la marque de luxe de Mercedes, elle a disparu des radars il y a deux ans, les dernières ventes ne dépassaient les 200 unités par an, il faut dire que ces autos teutonnes étaient peu séduisantes : des chars d’assaut en livrée ornementale pataude.
J’exclue Jaguar, Mercedes, BMW, Audi et autre Porsche du segment luxe, ces constructeurs ayant privilégié les volumes à la rareté en produisant des centaines de milliers de véhicules par an : peut-on encore faire rêver lorsqu’on vend des automobiles à monsieur et madame Tout-le-Monde ?
Le vrai luxe est inaccessible, insolemment élitiste et absolument intolérant, voire sectaire : Ferrari produit des objets rares proposés à des acheteurs priés de montrer patte blanche pour les acquérir, des objets roulants qui prennent de la valeur année après année, à la différence de n’importe quelle automobile qui devient « d’occasion » dès qu’elle roule ses premiers kilomètres. D’ailleurs, aux enchères, une Ferrari « ancienne » vaut plus chère qu’une neuve, comme un sac Kelly d’Hermès, une montre Patek Philippe, le tableau d’un artiste... : un produit de luxe est un achat irrationnel, c’est ce qui le rend désirable et unique, les boursicoteurs ne s’y sont pas trompés en achetant massivement les actions du cheval cabré.
Images : D.R.